Debraux Paul Émile (1796-1831)


(cliquez sur le titre)

Notice historique sur Paul-Émile Debraux.

 


La comète de 1832,

Qu'ai-je entendu ? L’on dit qu'une comète

Va nous porter enfin le coup mortel ;

Pauvres pécheurs, il faut que l'on se mette

Vite en état de marcher droit au ciel.

Vous que parfois la conscience oppresse,

Repentez-vous, bientôt Dieu jugera :

Ouvre tes bras, ma gentille maîtresse,

La mort viendra

Sitôt qu'elle voudra.

 

D'où vient, mortels, votre air de pénitence,

A vos regrets qui peut donner l'éveil ?

Que fut pour vous cette frêle existence ?

Beaucoup d’orages et si peu de soleil ;

L'amour lui seul, d'une simple caresse,

Dota la vie et la vie enivra

Ouvre tes bras, ma gentille maîtresse,

La mort viendra

Sitôt qu'elle voudra.

 

Ces plats valet, à qui tout météore

Semble un despote orgueilleux de ses droits,

Jusque au sol vont abaisser encore

Leur front souillé de la bave des rois.

Du feu vengeur, vos cris, votre bassesse,

Vils courtisans, rien ne vous sauvera

Ouvre tes bras, ma gentille maîtresse,

La mort viendra

Sitôt qu'elle voudra.

 

Ces potentats, ces chefs de vingt royaumes,

Qui font toujours moins de bien que de bruit,

Ne sont-ils pas comme nous des atomes

Qu'un souffle élève et qu'un souffle détruit.

Ils vont pousser des hourras de détresse,

Quand de leurs mains le sceptre glissera

Ouvre tes bras, ma gentille maîtresse,

La mort viendra

Sitôt qu'elle voudra.

 

Créé d'un mot, d'un mot réduit en poudre,

Ce globe errant dans la vague des airs,

Grâce à Franklin, brava longtemps la foudre,

Mais l'axe plie, adieu tout l'univers.

Compas en main, plus d'un savant s'empresse,

A calculer le jour on tout mourra

Ouvre tes bras, ma gentille maîtresse,

La mort viendra

Sitôt qu'elle voudra.

 

D'un tel malheur sans rechercher les causes,

Sans afficher des regrets toujours vains,

Enivrons-nous du parfum de nos roses,

Enivrons-nous du bouquet de nos vins.

Que l'or chez nous paraisse et disparaisse,

Puisqu'une obole à Caron suffira

Ouvre tes bras, ma gentille maîtresse,

La mort viendra

Sitôt qu'elle voudra.


D’anjou Charles (1220-1285)

Chanson

Trop est destroiz, qui est desconfortés

De cele en qui il a tout son cuer mis,

Et g'en ai tant soufert et enduré

Paine et travaux come loiaus amis ;

Et sachiés bien ja ne m'en retraierai ;

Ainz serviray à mon pooir touz dis,

Tant que j'aurai vers ma dame trové

Aucun confort des maus où il m'a mis.

 

Li desconfors m'a si désespéré

Que je ne sai que puisse devenir;

Mès un espoir m'a si réconforté

Que, il li doit de mes maus souvenir :

Et tant me fi en sa grant loiauté

Ja por autre ne me devra guerpir,

Quant il saura con je li ai esté,

Fins et verais, cortois sans repentir.

 

Se loiauté me voloit avancier,

Bien porroie de légier soustenir

Ma grant dolour, et mes maus alégier

Que bone amor me fait por li soufrir :

Touzjours serai et sui en son dangier,

Et sachiès bien ja ne m'en quier partir,

Por ce li pri qu'ele mi veuille aidier,

Qu'en desespoir ne me face morir.

 

Celle mi nuist qui m'y devroit aidier,

Et si ne daigne avoir de moi merci,

Ne nule riens ne mi puet alégier

Se cele non qui si me tient saisi

Que ne me puis ne ne sai conseiIlier,

Ainz en remaing dolens et esbahi.

Puisqu'el me veut en tel dolor Iaissier,

Melz me vendroit la mort que vuist ensi.

 

Un seul confort me tient en bon espoir,

Et c'est de ce c'onques ne la guerpi,

Servie l'ai touzjors à mon pooir

N'one vers autre n'oi pensé fors qu'à li.

Et à tout ce me met à non chaloir,

Et si sai bien ne l'ai pas déservi :

Si me convient atendre son voloir

Et atendrai comme loyal ami.


Delavigne Casimir (1793-1843)

La brigantine ou le départ

La brigantine

Qui va tourner,

Roule et s'incline

Pour m'entraîner.

0 Vierge Marie,

Pour moi priez Dieu !

Adieu, patrie ! (bis)

Provence, adieu ! (bis)

 

Mon pauvre père

Verra souvent

Pâlir ma mère

Au bruit du vent.

0 Vierge Marie,

Pour moi priez Dieu !

Adieu, patrie ! (bis)

Mon père, adieu ! (bis)

 

Ma sœur se lève

Et dit déjà :

«  J'ai fait un rêve,

«  Il reviendra. » 

0 Vierge Marie,

Pour moi priez Dieu !

Adieu, patrie ! (bis)

Ma sœur, adieu ! (bis)

 

La vieille Hélène

Se confiera

Dans sa neuvaine

Et dormira.

0 vierge .Marie,

Pour moi priez Dieu !

Adieu, patrie, (bis)

Hélène, adieu ! (bis)

 

De mon Isaure

Le mouchoir blanc

S'agite encore

En m'appelant.

0 Vierge Marie,

Pour moi priez Dieu !

Adieu, patries ! (bis)

Isaure, adieu ! (bis)

 

Brise ennemie,

Pourquoi souffler

Quand mon amie

Veut me parler ?

0 Vierge Marie,

Pour moi priez Dieu !

Adieu, patrie ! (bis)

Bonheur, adieu ! (bis)


Dreux Jean 1er de

Était fils de Pierre Mauclerc, si fameux sous le règne de Philippe-Auguste; il épousa Blanche, fille de Thibault, roi de Navarre; il était comte souverain de Bretagne. Gace Brulé, poète célèbre de cette époque, qu'il avait attiré à sa cour, lui donna le goût de la poésie. Le comte de Bretagne a composé des chansons qui ne sont peut-être pas inférieures en mérite à celles du comte de Champagne, qu'il paraît avoir pris pour modèle. Il survécut plus de trente ans à ce prince.

chanson

Bernart, à vous vueil demander

De deus choses la plus vaillant,

Proece que tant oi loer,

Ou largece qu'on aime tant.

Si m'en dites vostre semblant ;

Car j'ai touz jors oi couter,

Sans proece ne puet monter

Nul chevalier très bien avant

Qui d'armes soit entremétant.

 

Cuens de Bretaigne, sans fausser,

Largèce vault melz, ce m'est vis :

Que largece fait homme amer

A trestouz ceus de son pays ;

Méesmement ses anemis

Puet-on conquerre par doner :

Et si en puet-on acheter

L'amor au roy de paradis ;

Et qui l'a, muIt li est bien pris.

 

Bernart de la Ferté, amis,

Ne cuit sanz proece vaille

Largece ; ainçois m'est avis

Qu'en semble feu de paille :

Quant est ars, bien sé sanz faille

 

Riens ne vaut; pour ce m'est avis

Proece doit avoir le pris ;

Car qui l'a, ne fera faille

En nul besoing où il aille.

 

Cuens, et je di sans largece

Ne porroit nus estre preudon :

Car à toz hiens fere adrece

Celui qui l'a en sa méson.

Et meesmement riches hon

Qui de doner n'a paréce,

Si ne le fet par détrèce,

Itel doit avoir région ;

Et non mie le preus félon.

 

Bernart, j'ai touz jors oi dire

Que li cors gaaigne l'avoir ;

Et se il est mauvès sire

Quel chose le fera valoir ?

Largece n'ia povoir.

Ne fisicien ne mire.

Touz jors sera de l'empire

Mis à henor en non chaloir,

Ce poez-vous savoir de voir.


Dupond Pierre (1821-1870)

La républicaine (15 février 1818)

La République, cette reine
Qui donne des leçons aux rois,
En trois tours d’horloge a sans peine
Ressuscité tous nos vieux droits.
On se battait pour des réformes,
Pour des semblants de liberté ;
Elle a brisé les vaines formes,
Et rétabli son unité.
Que la terre entonne un cantique !
Gloire au peuple, joie en tout lieu !
Jurons par l’eau, l’air et le feu
De conserver cette relique :
La République vient de Dieu,
Vive la République ! (Bis.)
Un roi sorti des barricades,
Par un fourbe austère abrité,
Osait de leurs folles bravades
Menacer le peuple irrité.
Cette mer est notre domaine
Et ces flots mouvants nos sujets,
Disaient-ils d’une voix hautaine.
Le peuple a brisé leurs projets.
Que la terre entonne un cantique !
Gloire au peuple, joie en tout lieu !
Jurons par l’eau, l’air et le feu
De conserver cette relique :
La République vient de Dieu,
Vive la République ! (Bis.)
La République, cette reine
Qui donne des leçons aux rois,
En trois tours d’horloge a sans peine
Ressuscité tous nos vieux droits.
On se battait pour des réformes,
Pour des semblants de liberté ;
Elle a brisé les vaines formes,
Et rétabli son unité.
Que la terre entonne un cantique !
Gloire au peuple, joie en tout lieu !
Jurons par l’eau, l’air et le feu
De conserver cette relique :
La République vient de Dieu,
Vive la République ! (bis)
Un roi sorti des barricades,
Par un fourbe austère abrité,
Osaient de leurs folles bravades
Menacer le peuple irrité :
Cette mer est notre domaine
Et ces flots mouvants nos sujets,
Disaient-ils d’une voix hautaine,
Le peuple a brisé leurs projets.
Que la terre entonne un cantique !
Gloire au peuple, joie en tout lieu !
Jurons par l’eau, l’air et le feu
De conserver cette relique :
La République vient de Dieu,
Vive la République ! (bis)
Des enfants qui pouvaient à peine
Lever les moellons à deux mains
Ont dépavé sans peur ni haine,
Et sans souci des lendemains ;
Des hommes qui ne savaient guère
Ce que disaient les beaux parleurs,
Ont cimenté toutes ces pierres
Avec leur sang et leurs sueurs.
Que la terre entonne un cantique !
Gloire au peuple, joie en tout lieu !
Jurons par l’eau, l’air et le feu
De conserver cette relique :
La République vient de Dieu,
Vive la République ! (bis)
Tuez le peuple ! allez mes braves !
Mais ce sont vos frères, voyez !
Comme eux vous êtes des esclaves ;
Les soldats s’étaient fourvoyés,
Mais ils sont revenus bien vite.
Musique en tête et cœurs contents,
« Mon cousin, hâtez votre fuite ! »
Les rois sont partis pour longtemps.
Que la terre entonne un cantique !
Gloire au peuple, joie en tout lieu ; !
Jurons par l’eau, l’air et le feu
De conserver cette relique :
La République vient de Dieu,
Vive la République ! {bis)
Plus de tyrans bons ou superbes !
Valent-ils donc la liberté ?
Laissons pousser les hautes herbes
Dans leur palais inhabité.
Et vous, belles artilleries,
Escadrons, fantassins, spahi ? ,
Vous n’êtes plus aux Tuileries,
Vous êtes à votre pays !
Que la terre entonne un cantique !
Gloire au peuple, joie en tout lieu !
Jurons par l’eau, l’air et le feu
De conserver cette relique :
La République vient de Dieu,
Vive la République ! (bis)
Le monde enfin voit luire une ère
Que dès longtemps nous prédisions ;
La République, notre mère.
De ses yeux emplis de rayons,
A la liberté nous convie,
A la douce fraternité :
C’est le ciel même en cette vie,
En attendant l’éternité.
Que la terre entonne un cantique !
Gloire au peuple, joie en tout lieu !
Jurons par l’eau, l’air et le feu
De conserver cette relique :
La République vient de Dieu,
Vive la République ! (bis)

 


Durant Gilles (1554-1615)

Chanson

J’ai couru tous ces bocages,

Ces prés, ces monts, ces rivages

Mais je n’ai trouvé pourtant

Celle que j’ai poursuivie :

Hélas ! qui me l’a ravie,

La nymphe que j’aimais tant ?

 

Pastourelles joliettes,

Qui de vos voix déliettes,

Vos ardeurs allez chantant,

Selon qu’amour vous convie,

Dites, qui me l’a ravie ;

La nymphe que j’aimais tant ?

 

Ah ! c’en est fait, c’est fait d’elle :

Un dieu, la voyant si belle,

Parmi ces bois l’écartant,

Épris d’amoureuse envie,

Au ciel me l’aura ravie,

La nymphe que j’aimais tant ?

 

Adieu, forêts désolées ;

Adieu, monts, adieu, vallées ;

 Adieu, je vous vais quittant :

Puis-je plus rester en vie,

Puisque l’on me le ravie,

La nymphe que j’aimais tant ?