Almanach des muses 1801

Sur la nécessité des médecins.

Parmi nos médecins il est des gens habiles ;

Mais si l’homme, ici-bas, n’avait point à souffrir,

Ces messieurs, conviens-en, seraient fort inutiles,

- Il en faudrait encore. – Et pourquoi ? – Pour mourir

Par le C. Fabien Pillet.



 

  

Mot de Louis XIV.

A la cour de Louis le grand,

Certain prédicateur emporté par son zèle

Fit dans un sermon véhément,

Des plaisirs du monarque un tableau si fidèle,

Qu’on jugea l’orateur moins zélé que mordant.

Au sortir du sermon, sa majesté l’appelle.

Force fut d’obéir ; il parut en tremblant.

Rassurez-vous, je vous fais grâce,

Lui dit le monarque indulgent ;

Je veux bien pardonner un tel excès d’audace ;

Mais pour ne plus tomber, mon père, en cet écart,

Et ne veut point qu’on me la fasse.

Par le C. Agniel.


 


 

Avis au beau sexe

Sur une certaine mode.

Sexe charmant, pour vous la mode a ses dangers.

De vos plus doux appas vous perdez le mérite,

Lorsque vous adoptez dans vos goûts passagers

Ces vêtements si clairs, ces tissus si légers,

Qu’ils ne laissent rien voir de plus quand on les quitte.

Pour nous plaire toujours et pour votre intérêt,

De l’aimable pudeur respectez la limite.

Songez que son plus sûr attrait

Est de se dérober au désir qu’elle excite.

Le véritable amour est timide et discret.

Tant qu’il espère, il vole à votre suite,

Si vous lui dévoilez trop tôt votre secret,

Son feu s’éteint, Il prend la fuite.

Par le C. Croizetière.



 


Fragment d’un poème sur l’imagination.

Pénétrez de Newton l’auguste sanctuaire :

Loin du monde frivole et de son vain fracas,

De tous les vils pensers qui rampent ici-bas,

Dans cette vaste mer de feux étincelante,

Devant qui notre esprit recule d’épouvante,

Newton plonge : Il poursuit, il atteint ces grands corps,

Qui jusqu’à lui, sans loi, sans règle, sans accords,

Roulaient désordonnés sous ces voûtes profondes.

De ces brillants chais Newton a fait les mondes :

Atlas de tons ces cieux qui reposent sur lui,

Il les fait l’un de l’autre et la règle et l’appui ;

Calcule leurs grandeurs, leurs masses, leurs distances

C’est en vain qu’égarée en ces déserts immenses,

La comète espérait échapper à ses yeux,

Qui, suivant de leurs cours l’incroyable vitesse,

Sans cesse s’attirant, se repoussent sans cesse ;

Et par deux mouvements, mais par la même loi,

Roulent tous l’un sur l’autre et chacun d’eux sur soi.

O pouvoir du génie et d’une main divine !

Ce que Dieu seul a fait, Newton seul l’imagine ;

Et chaque astre répète en proclamant leur nom,

Gloire au Dieu qui créa les mondes et Newton

Par le C. Delille.