Chansonnier historique du XVIIIe siècle

La régence partie I


(J'ai gardé orthographe telle quelle)

La vie de Louis XIV


Or écoutez, mes chers amis.

Le très véritable récit.

L'histoire de notre monarque,

Et vous jugerez si la Parque

A bien ou mal fait de trancher

La trame d'un prince si cher.

 

L’archevêché de Paris par l'influence de Mme de Maintenon,

Il contribua à la suppression de Port-Royal, et eut avec les jésuites de nombreux démêlés. En 1714, Louis XIV, irrité de son opposition à la bulle Unigenitus , lui défendit de reparaître à la cour. « Ce cardinal, dit Voltaire, plein de vertu et de science, le plus doux des hommes, le plus ami de la paix, protégeait quelques jansénistes sans l'être, et aimait peu les jésuites sans leur nuire et sans les craindre. »

(Siècle de Louis XIV.)

 

Son père, le roi des Français,

Tous les jours faisait des souhaits

Pour que la reine vînt enceinte ;

Il priait les saints et les saintes ;

Le cardinal priait aussi, (1)

Et beaucoup mieux y réussit.

 

Au bout de neuf mois vint au jour

Un petit enfant de l'amour

Avec des dents longues et belles ;

Lors on consulta son étoile,

Et dès ce temps-là l'on prédit

Qu'il mangerait grands et petits.

 

D'abord sur ses mamans tétons

S'exerça ce maître glouton,

Et leur montrant ses dents cruelles,

 

(1) La malignité publique se fait souvent l'écho de bruits injurieux qui reposent seulement sur des soupçons vagues et peu justifiés. Si cette allusion vise le cardinal de Richelieu, elle nous paraît dénuée de fondement. On ne saurait contester assurément les prétentions de Richelieu sur le cœur de la jeune reine de France, ses démarches ridicules, et ses jalousies ; mais Tallemant des Réaux, qui raconte longuement tous les détails de cette bizarre intrigue, ne laisse planer aucun doute sur la résistance d'Anne d'Autriche aux désirs impatients du tout puissant ministre. Si l'allusion s'adresse à Mazarin, elle est encore moins juste. Mazarin ne fut reçu à la cour de France qu'en 1640, c'est-à-dire deux ans après la naissance de Louis XIV ; quant à l'attachement d'Anne d'Autriche pour lui, il fut assurément postérieur à la mort de Louis XIIl.

 

Il leur déchirait les mamelles.

Chacune d'elles le quitta,

Puis une louve l'allaita. (1)

 

Quand il commença de régner,

Il aurait dû se faire aimer

Pour démentir la prophétie,

Mais elle n'est que trop accomplie,

Car il n'a cessé de ronger

Pour nous faire tous enrager.

 

Nous lui prêtâmes notre argent

En beaux louis, bons écus blancs,

Croyant qu'il serait honnête homme,

Mais nous savons à présent comme

C'est être fou de se fier

A gens que l'on ne peut coffrer.

 

Il nous vendit de ses billets (2)

Qu'il disait être bons effets

Pour avoir cours dans le commerce

Et pour payer toutes ses dettes ;

Mais à présent ce beau papier

Ne peut servir qu'à s'essuyer.

 

(1) Pérette Dufour, femme de M. Ancelin, père et mère de l'évêque de Tulle. Elle ressemblait à une louve. (M)

 

(2) « Le ministre Chamillart commença, en 1706, à payer en billets de monnaie, en billets de subsistance, d'ustensile ; et comme cette monnaie de papier n'était pas reçue dans les coffres du roi, elle fut décriée presque aussitôt qu'elle parut. » (Voltaire.)

 

Les uns le nomment Louis le Grand

Et d'autres Louis le Tyran,

Louis le Banqueroutier, Louis l'Injuste,

Et c'est raisonner assez juste,

Car n'eut autre raison jamais

Qu'en disant : Voulons et nous plaît. (1)

 

Ce prince n'avait pas pourtant

Le cœur dur comme un diamant.

Car il aimait la demoiselle

Quand il avait jeune cervelle ;

Puis, étant devenu barbon.

Il prit la veuve de Scarron.

 

Le confesseur, qui le savait, (2)

Pour pénitence lui donnait

D'exterminer les Jansénistes,

Dont en poche il avait les listes,

Et chaque péché pardonnait

Pour une lettre de cachet.

 

En deux mots voici le portrait

De ce directeur si parfait :

 

(1) La formule finale des actes émanant du roi était : Car tel est notre bon plaisir.

 

(2) Le confesseur de Louis XIV, depuis la mort du P, de La Chaise, était le P. Le Tellier, jésuite, (1643-1719). C'est en grande partie à son influence qu'il faut attribuer les mesures de rigueur employées par le roi contre les protestants et les jansénistes.

 

Cet homme qui passe sa vie

De Jésus en la compagnie,

Moi je crois bien qu'il la trahit,

Car il a l'air à l'Antéchrist. (1)

 

O la plaisante invention

Que cette Constitution ! (2)

Elle était pleine d'indulgence,

Elle exemptait de pénitence.

Louis y avait tant de foi

Qu'à tout moment il la baisait.

 

Ce prince ayant régné longtemps,

Malgré nous et malgré nos dents.

Fut attaqué de maladie

Qui menaçait beaucoup sa vie.

Il regarda venir la mort

Comme ferait un esprit fort.

 

Il composa dedans son lit

Son dernier tome des édits :

 

(1) « Il eût fait peur au coin d'un bois. Sa physionomie était ténébreuse, fausse, terrible ; les yeux ardents, méchants, extrêmement de travers : on était frappé en le voyant. » (Saint-Simon.)

 

(2) La Constitution Unigenitus , établie par Clément XI à l'instigation du P. Le Tellier, condamnait cent une proposition extraite des Réflexions morales du P. Quesnel. L'acceptation de la bulle du pape donna lieu à^de longs débats, et divisa pendant près d'un siècle l'Église de France.

 

Il régla toute la finance

De ce pauvre peuple de France ;

Tous ses billets il retira,

Et c'est ainsi qu'il s'acquitta.

 

On fit venir des médecins ;

Mais soit qu'ils n'y connussent rien,

Ou que par esprit de prudence

Voulussent délivrer la France,

Ils l'ont mis dans le monument

A notre grand contentement.

 

Aussitôt son trépassement

On l'ouvrit d'un grand ferrement ; (1)

On ne lui trouva point d'entrailles,

Son cœur était pierre de taille,

Son esprit était très gâté,

Et tout le reste gangrené.

 

Avec la Constitution,

Son cœur, enfermé dans du plomb,

 

(1) « L'ouverture de son corps fut faite par Maréchal, premier chirurgien, avec l'assistance et les cérémonies accoutumées ; on lui trouva toutes les parties si entières, si saines, et tout si parfaitement conformé, qu'on jugea qu'il aurait vécu plus d'un siècle sans les fautes qui lui mirent la gangrène dans le sang. On lui trouva aussi la capacité de l'estomac et des intestins double au moins des hommes de sa taille ; ce qui est fort extraordinaire, et ce qui était cause qu'il était si grand mangeur. » (Saint-Simon.)

 

Fut envoyé chez les jésuites, (1)

Par un beau trait de politique ;

De droit il leur appartenait,

Et puis personne n'en voulait.

 

Sitôt qu'il fut enseveli.

On le porta à Saint-Denis

Sans pompe et sans magnificence, (2)

Afin d'éviter la dépense,

Car à son fils il n'a laissé

Pas de quoi se faire enterrer.

 

Or prions le doux Jésus-Christ

Qu'il envoie au-devant de lui

Ses anges rangés en bataille.

Car on assure que le diable.

Le regardant comme son bien,

Doit l'enlever sur le chemin.

 

(1) « Le cardinal de Rohan porta le cœur aux Grands Jésuites avec très peu d'accompagnement et de pompe. Outre le service purement nécessaire, on remarqua qu'il ne se trouva pas six personnes de la cour à cette cérémonie. »

(Saint-Simon.) — L'église des Jésuites est aujourd'hui la paroisse Saint-Paul Saint-Louis, et leur maison professe est devenue le lycée Charlemagne.

 

(2)  « Louis XIV n'avait rien réglé, ni défendu pour ses obsèques, écrit Saint-Simon. On se conforma au dernier exemple pour éviter la dépense, l'embarras, la longueur des cérémonies. Louis XIII, par modestie et par humilité, avait lui-même ordonné les siennes au moindre état qu'il avait pu. »