Chansonnier historique du XVIIIe siècle

La régence partie I


(J'ai gardé orthographe telle quelle)

Les exploits de Louis XIV



Violer la nature aux dépens d'une armée,

Transporter sur les monts la Seine courroucée, (1)

 

(1) L'eau manquait à Versailles : Louis XIV fit établir

 

Forcer l'homme timide à devenir soldat,

Donner droit aux traitants d'élire un magistrat, (1)

Abolir la noblesse, en faire de nouvelle, (2)

Traiter le droit des gens de pure bagatelle,

Enfreindre les traités sans honneur et sans foi.

Croire que l'univers n'est créé que pour soi,

Morguer avec mépris tous les rois de la terre,

D'un long règne passer plus des deux tiers en guerre,

D'avides maltôtiers protéger les rigueurs, (3)

 

à grands frais la machine de Marty, due au génie du mécanicien liégeois

Rennequin Swalm, pour élever l'eau de la Seine. Comme elle semblait

insuffisante, il songea à détourner l'Eure et à l'amener à Versailles, au moyen d'un aqueduc, par-dessus les vallons et les montagnes. Cette entreprise gigantesque à laquelle dix mille soldats travaillèrent durant plusieurs années, fut interrompue par les maladies pestilentielles et surtout par les guerres de la fin du règne. Il en subsiste encore des débris, immenses autant qu'inutiles.

 

(1)Desmarets avait créé en 1712 des charges d'inspecteurs des finances pour contrôler les opérations des fermiers généraux ; mais les comptables, qui trouvaient cette institution incommode, obtinrent le droit d'acheter eux-mêmes ces charges et se mirent ainsi à l'abri de toute surveillance.

 

(2) « Le contrôleur général, Pontchartrain, vendit des lettres de noblesse pour deux mille écus en 1696 : cinq cents particuliers en achetèrent, mais la ressource fut passagère, et la honte durable. On obligea tous les nobles

anciens et nouveaux de faire enregistrer leurs armoiries, et de payer la

permission de cacheter leurs lettres avec leurs armes. » (Voltaire.)

 

(3)«Des partisans, à qui le ministère avait vendu la nation pour quelque argent comptant dans ses besoins pressants, s'engraissaient du malheur public et insultaient à ce malheur par leur luxe. » (Voltaire.)

 

De ministres cruels ignorer les fureurs, (1)

Se livrer tout entier aux traîtres loyolistes

Pis que de mécroyants traiter les rigoristes,

A mille honnêtes gens ravir la liberté,

Réduire tout son peuple à la mendicité,

Des bras d'un tendre époux enlever une femme,

Confondre dans son sang le fruit de cette flamme,

De métaux recherchés se dresser un autel,

Enchaîner les humains aux pieds de l'Immortel,

Au milieu de la paix faire aux hommes la guerre,

Par le fer et le feu en dépeupler la terre.

Accabler sous le poids du rang et de l'honneur

Des monstres d'un amour dont frémit la pudeur,

Avilir tout pour eux, dignités et naissance.

Voilà tout ce qu'a fait le héros de la France.

 

(1) Allusion à Louvois, qui imagina contre les protestants les dragonnades, et

incendia la Palatinat.