Chansonnier historique du XVIIIe siècle

La régence partie IV


(J'ai gardé orthographe telle quelle)


 La maladie de Louis XV


Verse-moi, Piarrot, du vin.

Ah ! que j'ons eu de chagrin :

J'étions en capilotade

De voir notre roi malade. (1)

Lampons, camarades, lampons.

 

(1) « jeudi, 31 juillet. — Le roi est tombé malade, la fièvre lui a pris à la messe, il a été obligé d'en sortir, et il a été saigné du bras. — 1er août. — La fièvre du roi ayant redoublé et même avec transport, les médecins ont été en grande dispute sur la saignée du pied, que le premier médecin ne voulait pas ; elle a été proposée et soutenue par le jeune Helvétius, médecin ordinaire du roi, qui, ayant tenu pendant trois quarts d'heure le pouls de Sa Majesté et senti monter et augmenter une chaleur violente, a rangé tout le monde de son avis. Le roi a été saigné du pied. Il s'est trouvé fort mal sur la fin de la saignée. Toute la cour était dans un grand effroi, mais il est bientôt revenu et a dormi pendant sept ou huit heures depuis. » (Journal de Marais.)

 

Dieu merci, ça va bien mieux ;

Et j'avons vu de nos yeux

Ce prince sur sa terrasse.

Tatigué ! qu'il a de grâce !

 

Il est droit comme un cyprès.

Villeroy était auprès,

Villeroy son tendre père,

Et Ventadour sa mère.

 

Buvons donc à leur santé,

Car ils ont ressuscité

Ce jeune et charmant monarque

Malgré les dents de la Parque.

 

Mais, morgué ! Piarrot, comment

Ont-ils sauvé cet enfant ?

Écoute-moi, mon compère ;

Je t'en vais conter l'affaire.

 

Il avait dans les boyaux

Quantité de bigariaux,

(Morgué ! il faut que j'arrache

Ce chien d'arbre à coups de hache.)

 

Il ne pouvait décocher

(Le monde en était touché)

La moindre petite selle ;

Ça n'est-il pas bien cruel ?

 

Pour dénicher les canards

En présence des Dodarts, (1)

Vint troupe d'apothicaires,

Armés chacun d'un clystère.

 

Un Français, Suisse de nom, (2)

Médecin d'un grand renom,

Auprès des princes et princesses,

Accourut plein de tendresse.

 

Sitôt lui tâta le pouls

Qui jabotait comme tout ;

Il allait taque, taque, taque.

Le revoir, c'est un miracle.

 

Il le fit saigner du bras.

Puis au pied après cela ;

Ensuite vint l'émétique (3)

Qui le rendit au public.

 

(1)  Claude Jean-Baptiste Dodart était premier médecin de Louis XV.

 

(2)  Jean-Claude Adrien Helvétius, premier médecin de Marie Leczinska, était le fils du médecin hollandais Adrien Helvétius, qui avait découvert les propriétés thérapeutiques de l'ipécacuanha.

 

(3) « 2 août. — On a donné au roi, à deux fois, écrit Marais, deux grains d'émétique qui a très bien opéré, et cette médecine a achevé de le mettre hors de danger et de le guérir tout à fait de cette maladie violente et périlleuse, où il a été traité sans aucun ménagement. Il a encore dormi toute la nuit avec grande tranquillité. » Barbier nous apprend que l'émétique amena une évacuation charmante.

 

Tous ces messieurs sont bien fiers.

D'avoir mis la fièvre au fer.

Tiens, sais-tu ce que j'en pense ?

C'est la sainte Providence.

 

Prions donc Notre Seigneur

Du meilleur de notre cœur

De conserver à la France

L'objet de notre espérance.

Lampons, camarades, lampons.