Chansonnier historique du XVIIIe siècle

La régence partie II


(J'ai gardé orthographe telle quelle)

 Les scandales du temps


Que notre Régent et sa fille

Commettent mainte peccadille,

C'est un fait qui semble constant,

Mais que par lui elle soit mère, (1)

Se peut-il que d'un même enfant

Il soit le grand-père et le père ?

 

Si pourtant, comme on le présume j

Elle a fait un petit posthume.

Il faut bien lui donner un nom.

Peur d'un jugement téméraire,

 

(1) Nous avons vu ci-dessus (p. 38) d'api es le témoignage peu suspect de Saint-Simon, ce qu'il fallait penser de ces imputations odieuses.

 

C'est La Rochefoucauld et de Pons Gontaut, de Riom, La Haye, Salvaire. (1)

 

(1) Il est fort probable que tous ces courtisans furent les amants de la duchesse, puisque Saint-Simon déclare que, du vivant de son mari, « ses galanteries n'avaient pas laissé d'avoir plusieurs objets et avec assez peu de contrainte ». Il est dit à ce propos, dans les Mémoires de Richelieu : « Outre ses amours qu'on lui reprocha sans cesse avec son père, elle eut toujours plusieurs amants qu'elle changeait souvent pour les reprendre de nouveau. Elle eut d'abord l'écuyer de la grande écurie nommé Salvaire. La Haye, page du duc de Berry, lui succéda, avec le titre de gentilhomme ; ce qui lui fit donner un nom scandaleux (M. tout prêt) à cause de la proximité du domicile jointe à la qualité d'amant. Malgré ce sobriquet, que toute la ville s'entendit pour ainsi dire à lui conserver, le marquis de La Rochefoucauld lui succéda ; il était capitaine de ses gardes et fut nommé comme celui qui l'avait précédé. Le marquis de Bonnivet, chambellan du duc de Berry, vint après, et puis le comte Daidie, officier des gardes françaises. » Duclos n'est pas moins explicite : « A peine eut- elle épousé le duc de Berry, qu'elle eut des galanteries, où le respect qu'on devait à son rang l'obligeait à faire les avances. Le commerce qu'elle eut avec La Haye, écuyer de son mari, fut porté à un degré de frénésie incroyable.

Non contente de laisser éclater sa passion, elle proposa à son amant de l'emmener en Hollande.

 

La Haye frémit à cette proposition, et se vit obligé, pour ne pas être la victime de sa discrétion sur un pareil délire, d'en faire part au duc d'Orléans. Il fallut tour à tour effrayer et flatter cet esprit égaré pour que le projet ne perçât pas jusqu'au roi. Peu à peu l'accès se dissipa ; et cette furieuse céda enfin à l'impossibilité de se satisfaire, ou à la crainte de rendre sa folie funeste à son amant. » Nous avons déjà parlé des relations de la duchesse avec de Riom ; nous ne reviendrons pas sur ce sujet, que l'on trouve détaillé tout au long dans les Mémoires de Saint-Simon et de Duclos.

 

Qu'avec Lassay (1) Bourbon s'amuse,

Tout le monde les en accuse,

Ils ont tous deux même raison,

Mais elle devrait bien lui dire

Qu'il faut qu'avec discrétion

Chez une veuve on se retire.

 

Que la jeune duchesse enrage, (2)

Que son mari n'en fasse usage.

Je le croirais facilement.

Mais s'il faut qu'un amant la venge,

Que Duchallat soit cet amant

Un tel choix me paraît étrange.

 

Que la Conti soit très fâchée (3)

D'être au lit d’un singe attaché,

 

(1)Armand Madaillan de Lesparre, marquis de Lassay, fils du romanesque auteur du Recueil de différentes choses, avait inspiré une vive passion à Mme la duchesse mère, restée veuve à trente six ans de Louis III, duc de Bourbon. On trouvera dans la correspondance de Madame (3 avril 1721), l'observation mordante que cette liaison attira à Mme la duchesse de Bourbon de la part de M. le Duc, son fils.

 

(2) Mademoiselle de Conti mariée à M. le Duc, qui acceptait philosophiquement une infortune conjugale dont il était la cause première. « Bien des gens, disait-il, croient être à couvert du cocuage, mais c'est une erreur. J'ai cru me mettre à l'abri en épousant un monstre : cela ne m'a servi de rien, car un vilain Duchallat, plus laid que moi, me fait cocu. » [Correspondance de Madame.)

 

(3) Louise-Elisabeth de Bourbon, fille de Louis III de Bourbon, mariée à Louis-Armand de Bourbon, prince de Conti. La Fare, dont il est ici question, n'est pas l'auteur bien connu des Mémoires, mais son fils, Philippe-Charles, ancien chevalier d'honneur de la dauphine, qui devint plus tard maréchal de France.

 

Cela se peut-il autrement ?

Mais qu'elle s'en tienne à La Fare,

Ou son appétit n'est pas grand,

Ou sa retenue est bien rare.

 

Que Sur Yon impatiente

Avec le Marton se contente, (1)

Il n'est rien de surprenant ;

Mais qu'elle, l'aimant à la rage.

N'en éprouve aucun accident,

Elle est plus heureuse que sage.

 

Que Charolais, jeune et fringante,

Pour Richelieu soit complaisante, (2)

N'est-ce pas le sort de son sang ?

Mais pour un seul c'est bien la peine ;

 

(1) Louise-Adélaïde de Bourbon, sœur du prince de Conti, nommée mademoiselle de la Roche-sur-Yon. — Marton, fils de M. de Blansac , était colonel du régiment de Conti.

 

(2) Louise- Anne de Bourbon, nommée Mlle de Sens, puis

Mlle de Charolais, fille de Louis III de Bourbon, avait une intrigue avec le duc de Richelieu, qui s'était flatté de l'épouser. « Elle se prit d'une telle passion pour lui que, malgré ses infidélités, elle ne cessa jamais de l'aimer éperdument. Ceux qui l'entouraient furent si touchés de ses tourments, qu'ils tâchaient de les tempérer en favorisant leurs entre%aies secrètes, mais que peu après le duc divulgua. La princesse sa mère, furieuse de ces amours, maltraitait sa fille, ne pouvant souffrir qu'elle imitât une conduite dont elle lui donnait l'exemple ; mais le jeune seigneur allait faire l'amour pendant la nuit à l'hôtel ; l'appartement de la jeune princesse étant au rez-de-chaussée sur le jardin dont il avait une clef, il arrivait chez elle par la fenêtre, sans que personne ne s’en doutât. »

(Mémoires de Richelieu.)


A son âge belle-maman

En exerçait demi-douzaine.

 

Qu'à Du Maine, laide et nabote, (1)

Un Malézieu lève la cotte (2)

Le marché pour tous deux est bon ;

Mais que de Polignac n'en bouge (3)

Et couche avec cet embryon,

C'est faire honte au chapeau rouge.

 

Que la belle Monasterolle

Se donne pour mille pistoles,

Chacun dira : Je le crois bien ;

Mais que pour une on en jouisse,

Même très souvent pour rien,

On dira : Gare la chaude-pisse !

 

 

(1) Anne-Louise Bénédicte de Bourbon, fille de Henri Jules de Bourbon, mariée au duc du Maine. Elle s'était formé à son château de Sceaux une cour galante qui devint un foyer d'intrigues politiques.

(Cf Mémoires de Mme de Staal-Delaunay .)

 

(2). Nicolas de Malézieu (1650-1727), membre de l'Académie française, fut précepteur du duc du Plaine, qui le nomma chancelier de la principauté de Dombes. Il était l'organisateur des fêtes de Sceaux.

 

(3) En 1718, Madame écrivait : « L'amant tenant de Mme du Maine est le cardinal de Polignac, mais elle en a encore beaucoup d'autres, le premier président, et même des drôles. »

 

Que Jonzac à Conti se donne, (1)

Elle s'allie à la couronne :

Quelle gloire pour les Hénaults ;

Mais que sans garder de mesure

Tous les muguets lui soient égaux, (2)

Pour le Jonzac quelle coiffure !

 

Qu'au tendre Nangis La Vrillière (3)

Donne jouissance plénière,

La Dauphine (4) en fit bien autant,


(1)  M, de Jonzac avait épousé une sœur du président Hénault. Moins philosophe que les autres maris de ce temps, il donna à propos du prince de Conti deux soufflets à Mme de Jonzac en pleine église. Ce moyen violent ne lui réussit guère, les rieurs ne furent pas de son côté, et il dut s'estimer heureux de se raccommoder avec sa femme.

 

(2) Elle était en intrigue avec le jeune duc de Bournonville. (M.)

 

(3) Mm de La Vrillière, femme du secrétaire du Conseil de régence, était l'amante de Nangis, colonel du régiment du roi, homme fort à la mode, « la fleur des pois, » comme dit Saint-Simon. Il est possible qu'elle ait eu des relations avec le Régent, mais ce ne fut sans doute qu'une maîtresse a passade. On lui attribua plus tard l'honneur d'avoir déniaisé le jeune Louis XV.

 

(1) L'intrigue de Nangis avec la duchesse de Bourgogne n'eut probablement pas le caractère qu'on lui attribue ici. Mme de Caylus dit à ce propos dans ses Souvenirs : « Nangis est le second pour lequel Mme la Dauphine a eu du goût. Je ne parlerai pas de celui-là comme j'ai parlé de l'autre, et j'avouerai que je le crois comme le public ; la seule chose dont je doute, c'est que cette affaire soit allée aussi loin qu'on le croit, et je suis persuadée que cette intrigue s'est passée en regards et en quelques lettres tout au plus. Je me le persuade par deux raisons : l'une, que Mme la Dauphine était trop gardée, et l'autre, que

Nangis était amoureux d'une autre femme (Mme de La Vrillière), qui l'observait de près, et qui m'a dit à moi même que, dans le temps qu'on Soupçonnait qu'il pouvait être avec Mme la Dauphine, elle était bien assurée du contraire, puisqu’il était avec elle. » — Le témoignage de Mme de Caylus est confirmé par cette strophe d'une chanson de l'année 1710 :

 

Mais qu'au Régent elle se voue

Pour la fortune du galant,

Plaisant pivot, plaisante roue.

 

Qu'habile en vers, qu'habile en prose,

Lomaria nuit et jour compose,

Puis qu'aimer lui semble commun ;

Mais que sans cesse elle s'occupe

Au sot combat de cinq contre un,

Sapho (1) ne fut jamais si dupe.

 

Le marquis de Nangis l'adore.

Elle répond à tous ses vœux ;

Mais je ne sais s'ils ont encore

Trouvé le moment d'être heureux.

 

(1) Femme poète de Mitylène. D'après une légende peu vraisemblable, son amour malheureux pour Phaon l'amena au suicide et elle se précipita dans la mer du haut du promontoire de Leucade,