La Grande dame. Revue de l'élégance et des arts

collection privée

Avril 1895

 

Les dernières modes

collection privée

Le concours hippique va donner aux Parisiennes l’occasion de juger les modes de la saison. Elles y verront des atours printaniers en des étoffes crêpelées aux reflets changeants, des robes de toile de laine très légère mélangée à des taffetas glacés, des toilettes de soie caméléon façonnée, rayée ou chinée et imprimée, aux nuances fondues, fuyantes, insaisissables. Puis des collets excentriques en taffetas changeant, en faille de teint vive, voiles de gaze brodée à jour ou de barège pailleté, enfin des chapeaux d’une étonnante fantaisie sortis du cerveau de nos modistes fées pour servir de cadre aux fins visages de nos Parisiennes et rehausser l’éclat et la délicatesse de leur teint.

Les petites capotes, posées sur les cheveux mousseux, sont très élargies par les garnitures : ailes de geai ou de dentelle, fleurs géantes et nœuds aux larges coques. Mais la saison printanière est celle qui s’approprie le chapeau rond, un peu délaissé durant l’hiver ; il reparaît en des formes très seyantes dans les mains de Virot (1) qui s’entend si bien à les agencer à l’air du visage. De grandeur moyenne, ils se font beaucoup en paille de fantaisie de diverses couleurs, vert d’eau, pervenche, violette de Parme ou marron.

Le chapeau Louis XVI très nouveau en paille noire ou tabac, la calotte drapée d’une superbe soie ancienne fond rose, que fixe une boucle de strass, avec des plumes en panaches et des roses faisant cache-peigne, est une trouvaille élégante, singulièrement coquette. La Frédégonde n’est pas moins original et seyant, en dentelle de paille très légère avec des bottes de roses nichées dans le feuillage et un simple nœud de velours noir

Si les jupes et les manches prennent des dimensions fabuleuses, les fleurs ont aussi, cette saison, des proportions gigantesques Virot (1) a composé ainsi des pensées en paillettes, d’un effet merveilleux, et des pavots en dentelle dont la légèreté donne à la coiffure un charme inconnu

Pour les sorties matinales, nous aurons le petit chapeau en paille de couleur orné de choux du ruban façonné, mélangé à des violettes et à

des roses quelques ailes en aigrette, beaucoup de coques de ruban élargissant les bords, tel sera le mot d’ordre de la saison.

Si les lainages gardent intégralement leurs droits dans l’habilement féminins, la soie, la jolie soie claire, chatoyante, les années précédentes, presque exclusivement réservée aux toilettes du soir ou aux robes d’intérieur, prend cette saison une large place dans les costumes de jour : taffetas glacés, rayés, brochés, chinés ou imprimés, de teintes moyennes aux reflets changeants, enfin toute la série des soies façonnées composera nos élégantes et fraîches toilettes de printemps. Les barèges, les batistes écrues et brodées, les piqués blancs ou nankin. Les linons incrustés de dentelles bise ou noire viendront ensuite avec les costumes de courses, précurseurs des costumes de bain de mer. Il n’est plus question de foulard : le taffetas est, cette année, le roi des tissus de soie.

Les manches n’ont plus de limites et sont très diversement drapées et ornées. Les jupes ont une ampleur menaçante, et Worth (2), en les garnissant de broderie, en les incrustant de dentelle bise ou noire, en les coupant de quilles plissées d’un tissu différent, leur donne une allure nouvelle si gracieuse, que les plus enragées réactionnaires se sentent bientôt vaincue et charmées par ces chef-d’œuvre de haute élégance.

Si les manches accusent des proportions étourdissantes, les corsages

genre blouse, laissant à la taille toute sa sveltesse, sont eux aussi très variés de formes et d’ornements. On les fait de taffetas de teinte vive brodé à l’anglaise ou voilé de tulle et de gaze, soit brodé, soit endiamanté ou pailleté. Les plis de la blouse, la ceinture ou les revers sont retenus par de larges boutons en simili diamants.

Le petit col drapé s’est légèrement modifié ; il s’orne d’un rabat en forme de collerette, fait en dentelle ancienne, en mousseline plissée, en linon incrusté de jours et de malines ; ce dernier genre est taillé en forme d’abat jour.

Les fleurs jouent un grand rôle dans la toilette féminine ; elles ne se contentent plus d’éclairer nos chapeaux de leurs couleurs fraîches et vives ; elles s’accrochent aux cols de nos robes, aux ruches de nos manteaux, aux tours de cou, en attendant qu’elles s’attachent aux sticks de nos ombrelles.

Il est un accessoire de la toilette auquel les femmes ne prêtent pas toujours assez d’attention ; je veux parler de gant qui couvre la main et doit marquer la distinction. Le gant de peau, lorsque la peau n’est pas suffisamment fine et bien taillée, grossit et déforme la main, l’enlaidit et lui donne un aspect vulgaire. Sa teinte est aussi fort importante de détermine le degré d’élégance que l’on désire donner à la toilette. Cette saison, les mondaines ont adopté le gant crème, en chevreau glacé pour accompagner le costume trotteur, à l’heure de la promenade matinale au bois ; elles choisissent la même nuance, mais alors en peau de Suède, qui gante plus finement, pour mettre avec les robes de taffetas glacé, de linon ou de barège.

De même que le gant, l’ombrelle et l’en-cas sont des accessoires auxquels on ne saurait apporter trop de soin. Beaucoup de coquettes parisiennes ont autant d’ombrelles et d’en-cas qu’elles possèdent de toilettes ; l’élégance n’impose pas toujours un pareil luxe, mais elle exige cependant que cet accessoire de la toilette soit, sinon de teints assortie à la robe, du moins de la couleur de ses ornements ou de ceux du chapeau.

Pour les promenades à pied et les courses dans l’intérieur de la ville, on choisira l’en-cas de préférence à l’ombrelle. On en fait cet été de fort jolis en taffetas fantaisie, en monture très fine, terminée par une noix d’or, une olive de cristal émaillée d’or, un gland de lapis ou d’écaille avec le chiffre et les armes en perles fines et pierreries.

Si l’on sort en voiture, que l’on aille sur un champ de courses, au bois, aux Champs-Élysées, ou dans les jardins d’un casino à la mode on s’abritera sous l’ombrelle de dentelles et de gazes vaporeuses, que nouent des rubans retenant des bottes de fleurs. Les manches sont très simples, bois laqué vert d’eau, bleu, saphir, blanc, rose ou mauve assorti à la nuance de l’ombrelle. Une tête de canard, de perruche, une boule d’or ou de lapis termine le stick, qui demeure veuf de bouffette de ruban ou de tout autre ornement.

Tous ces menus détails de la toilette ont bien leur importante ; c’est par eux que l’on reconnaît toujours la femme élégante et de goût raffiné.

Zibeline Avril 1895.

 

Virot (1)

Les liens entre la haute couture et les chapeaux remontent à Worth et à sa collaboration avec Mme Virot dans les années 1890. « Une bonne modiste était capable d’interpréter l’esprit d’une collection sans sacrifier sa propre créativité. Bien que leur contribution ne fût pas officiellement reconnue, tous ceux qui faisaient partie du monde fermé de la mode parisienne savaient quelles modistes avaient créé les modèles qui accompagnaient la collection présentée par son couturier ».

 

Mode au XXème siècle

Jusqu’à la Première Guerre mondiale, le chapeau est un élément indispensable de la toilette. Son absence signale au regard, l’ouvrière qui sort « en cheveux ». Dans toutes les villes des modistes répondent à la demande d’une énorme clientèle en créant leurs propres modèles ou en adaptant ceux de la mode parisienne.

Au tournant du XIXe siècle, la silhouette se modifie. Le grand chapeau apparaît avec le costume tailleur vers 1900. Il permet d’équilibrer la toute nouvelle jupe cloche. La garniture est  posée très haut sur des chapeaux de plus en plus larges. Ils sont maintenus par des épingles à chapeau, nouvel accessoire.

Les liens entre la haute couture et les chapeaux remontent à Worth et à sa collaboration avec Mme Virot dans les années 1890. « Une bonne modiste était capable d’interpréter l’esprit d’une collection sans sacrifier sa propre créativité. Bien que leur contribution ne fût pas officiellement reconnue, tous ceux qui faisaient partie du monde fermé de la mode parisienne savaient quelles modistes avaient créé les modèles qui accompagnaient la collection présentée par son couturier ».

Les grandes modistes de cette époque sont Caroline Reboux, Lucienne Rebaté, les sœurs Legroux, madame Blanchot, Lewis, Marie Alphonsine.

(cliquez sur le titre)

source

 


(2)

Les grandes modistes de cette époque sont Caroline Reboux, Lucienne Rebaté, les sœurs Legroux, madame Blanchot, Lewis, Marie Alphonsine.

(cliquez sur le titre)

Worth

Toilette de ville