Auteurs du Caveau

L’enfant lyrique du carnaval

L’éloge du cocuage.

Air : c’est un enfant.

Nous connaissons en mariage

Un moyen sûr pour être heureux ;

C’est que l’épouse soit volage,

Et que l’époux ferme les yeux.

S’il est dans la ville

Quelqu’époux tranquille,

C’est toujours, j’en suis convaincu,

C’est un cocu, c’est un cocu.

 

Lorsqu’une femme est infidèle,

Elle est douce comme un mouton ;

Si par hasard elle est cruelle,

Au logis c’est un vrai démon.

Une femme sage

Du diable est l’image :

Mieux voudrait, j’en suis convaincu,

Etre cocu, être cocu.

 

Quel est le mortel sur la terre

Accablé de biens et d’honneurs,

A qui tout le monde veut plaire,

Et que l’on comble de faveurs,

Celui qu’au passage

Partout on engage ?

C’est toujours, j’en suis convaincu,

C’est un cocu, c’est un cocu.

 

Ce mal, dont un jaloux enrage,

Est un bien du ciel descendu ;

Il apporte dans le ménage

La paix, qui vaut bien la vertu.

Oui, le cocuage

Est le choix du sage,

Et pour en être convaincu,

Soyons cocus, soyons cocus.

Anonyme.

 

 

 

Les petits commerces d’une fille honnête.

Air : Rendez-moi mon écuelle de bois.

A peine avions-nous atteint nos quinze ans,

Que l’on nous fit bouqu’tière ;

J’vendrions des bouquets dans le printemps

Tout’ la journée z’entière.

C’commerce déplut a mon amant,

Et ma foi, ce n’était pas sans causes ;

Quand on offre ses fleurs au passant,

Comment garder ses roses ?

 

Cherchant z’un commerce plus certain,

Pour vendre du laitage,

J’allions nous étaler le matin

Dans l’chemin d’un passage.

Su mon lait z’un chacun gendarmé

Se disait, tout en me j’tant la pierre :

« On voit ben que l’on a zécrémé

Le lait de la laitière. »

 

Après ça j’ons vendu du poisson,

Quand j’avions des carêmes.

Les pêcheux m’apportions sans façon

Leurs machandises eux-mêmes :

Mais, m’trouvant moins d’effet que d’habil,

D’m’en fournir aujourd’hui ça l’zempêche :

D’puis qu’j’ons donné du poisson d’avril,

C’n’est plus pour nous qu’on pêche.

 

J’ons encore changé d’profession,

Et, sans besoin d’enseignes,

J’annoncions des marrons de Lyon,

En vendant des châtaignes :

Mais j’ons vu que l’on passe en effet

Pour un’fille qui tombe des nues,

Quand le p’tit commerce que l’on fait

Se fait au coin des rues.

 

Dans c’monde enfin chacun fait c’qui peut,

Et souvent je m’promene

En criant : v’la l’plaisir ;qu’est c’ qu’en veut ?

Et jamais je n’étrenne.

D’gagner quequ’sous fillett’a l’desir ;

Par malheur c’est qu’all’ n’veut pas entendre

Que l’moyen d’dégoûter du plaisir,

C’est de vouloir le vendre.

 

D’puis qu’la barque commence à donner

Je m’sis fait s’écaillère :

J’vois qu’partout z’on m’attend pour diner,

Et j’avou’ qu’ j’en sis fière :

Mais c’qui m’fach’, c’est qu’on est fill’ d’honneur,

Et qu’chacun porte atteinte à mes titres,

En assurant que j’ouvre mon cœur

Plus souvent que mes huîtres.

M. Demautort

 

 

 

Guerre aux tendrons !

Air :du vaudeville final de la famille moscovite.

Guerre ouverte à tous les tendrons !

Amis, quand nous les combattrons,

Lançons, lançons un trait vainqueur

Au fond de leur

Cœur.

 

Malheur aux belles,

Dit un bon vivant ;

Sur ces rebelles

Marchons en avant.

Qu’on agite (bis.)

Cette arme qui nous excite ;

Qu’on agite (bis.)

Le brandon

Du Cupidon.

 

Guerre ouverte à tous les tendrons !

Amis, quand nous les combattrons,

Lançons, lançons un trait vainqueur

Au fond de leur

Cœur.

 

Quand le cor sonne,

Mettons aux abois

Cette amazone

Qui parcourt les bois ;

A la chasse (bis.)

Pressons, en suivant sa trace,

A la chasse (bis.)

Tous ses attraits

Dans nos rets.

 

Guerre ouverte à tous les tendrons !

Amis, quand nous les combattrons,

Lançons, lançons un trait vainqueur

Au fond de leur

Cœur.

 

Je ris d’Ismène,

Qui, dés le matin,

Dans la fontaine

Admire son teint.

La coquette (bis.)

Est pareille à l’alouette ;

La coquette (bis.)

Se prend le soir

Au miroir.

 

Guerre ouverte à tous les tendrons !

Amis, quand nous les combattrons,

Lançons, lançons un trait vainqueur

Au fond de leur

Cœur.

 

Sur la fougère,

Lorsque nous guettons

Jeune bergère,

Près de ses moutons ;

En cadence, (bis.)

Jouons, pour la mettre en danse,

En cadence, (bis.)

Du flageolet,

Qui lui plaît.

 

Guerre ouverte à tous les tendrons !

Amis, quand nous les combattrons,

Lançons, lançons un trait vainqueur

Au fond de leur

Cœur.

 

Au bruit des verres,

A table, grisons

Tuteurs sévères,

Mamans et grisons ;

En goguette, (bis.)

Expire aux sons

Des chansons !

 

Guerre ouverte à tous les tendrons !

Amis, quand nous les combattrons,

Lançons, lançons un trait vainqueur

Au fond de leur

Cœur.

 

Quand la terre

Le soleil s’enfuit,

Tous, à Gythère,

Accourons sans bruit ;

Au bocage, (bis.)

Mettons nos tendrons en cage ;

Au bocage, (bis.)

Fêtons l’amour

Jusqu’au jour.

 

Guerre ouverte à tous les tendrons !

Amis, quand nous les combattrons,

Lançons, lançons un trait vainqueur

Au fond de leur

Cœur.

M. Casimir Menestrier.

 

 

 

L’opinion de ces demoiselles ( Mois de mai 1815)

air : Nom d’un chien, j’veut être épicurien.

Ou vous qui portez les corn’ en tête.

Quoi ! c’est donc vrai qu’on parie

Q’l’enn’mi va tout r’mettre chez nous

Sens sus d’sous ?

L’ Palais Royal, qu’est not’ patrie,

S’en réjouirait ;

Chacun son intérêt.

Aussi point d’fille qui ne crie :

Viv’ nos amis,

Nos amis, les enn’mis !

 

D’nos Français j’connaissons l’s astuces ;

Ils n’sont pas aussi bon chrétiens

Qu’ les Prussiens.

Comm’ l’argent pleuvait, quand les Russes

F’saient hausser d’prix

Tout’s les filles d’ Paris !

J’n’avions pas l(temps d’chercher nos puces.

Viv’ nos amis,

Nos amis, les enn’mis !

 

Mais puisqu’ils r’virnn’t faut les attendre,

Je r’verrons Bufol, Titchakof,

Et Platof ;

C’bon Saken, dont l’cœur est si tendre,

Et puis ce cher….

Ce cher monsieur Blucher :

Et nous donn’ront tout’c qu’ils vont prendre.

Viv’ nos amis,

Nos amis, les enn’mis !

 

Drés qu’les plum’s de cocq vont r’paraître,

Je s’courons, d’façon à l’fair’ voir,

Not’ mouchoir.

Quand aux amansn j’dois en r’connaître,

Ça tomb’sous l’ sens,

Au moins deux ou trois cents.

Pour leur entré, louons un’fenêtre.

Viv’ nos amis,

Nos amis, les enn’mis !

 

J’conviens que d’certain’s honnet’s femmes

Tout autant qu’nous en ont pincé

L’an passé,

Et qu’nos Cosaqu’s pleins d’heurs bell’s

Flammes,

Prenaient l’chemin

Du faubourg Saint Germain.

Malgré l’tort qu’ nous ont fait ces dames ;

Viv’ nos amis,

Nos amis, les enn’mis !

 

Les affair’s s’ront bientôt bâclées,

Si j’en crois un vieux libertin

D’sacristain.

Quand y aurait queuqu’s maisons d’brûlées,

Queuqu’s gens d’occis,

C’est l’cadet d’ nos oucis.

Mais j’irai bien si j’somm’s violées.

Viv’ nos amis,

Nos amis, les enn’mis !

M. de Béranger.