Le calendrier épicurien.
Ou
Un plaisir par jour ;
Air : frère pierre à la cuisine.
N° 198 de la clef du Caveau.
L’homme, dont la vie est prompte,
N’en sait pas régler le cours :
Sur l’almanach quand je compte
Trois cent soixante et cinq jou
Je me dis :
Les ennuis
Se partagent nos années :
A peine quelque journées
Où le plaisirs sont permis.
Astrologue adroit et sage,
J’ai cru trouver le moyen
D’arranger à notre usage
Cet almanach grégorien :
Effaçons
Sans façon
De ces colonnes stériles,
Comme des jours inutiles,
Ceux où nous nous ennuyons.
Puis il faut, par gourmandise,
Choisir dans les douze moi
Tous les jours où l’on se grise…
A commencer par les rois
Le jambon
Etant bon,
Pâque, ta fête observée,
Par nous sera conservée,
Ainsi que le réveillon !
Dans le firmament je guette,
Astronome de Momus,
Le retour de la comète
Si favorable à Bacchus !
Mon pouvoir
De prévoir
Annonce aux amis des treilles
Des éclipses de bouteilles,
Visibles matin et soir.
Comme il est bon qu’on déjeune
Et qu’on dîne…. Sans micmac,
Par moi tous les jours de jeûne
Sans rayés de l’almanach.
Un repas
Ne peut pas
Damner les hommes intègres ;
Supprimons donc les jours maigres,
Et prolongeons les jours gras !
Je prends la plume et j’efface
St. Barnabé, St. Lambert ,
St. Basile, St. Ignace,
St. Michel, St Rigorert…
Mais ici,
D’un seul cri,
Amis du vin et des belles,
A toutes nos Gabrielle
Consacrons le St. Henri !
A mon culte St. Antoine
Offre sa tentation :
Conservons ce joyeux moine,
Surtout pour son compagnon…
Admettons
Et notons,
Le plaisir nous le commande,
St. Cloud dans notre légende,
En l’honneur des mirlitons !
Pour St. Nicolas j’incline,
C’est le patron des lurons,
Et pour Sainte Catherine,
La patronne des tendrons…
Gare à nous,
Pauvres fous !
Gardons Sainte Pélagie ;
Il ne faut pas qu’on oublie,
C’est notre patronne à tous !
Que Sainte Anne, St. Magloire,
Se fassent chômer ailleurs ;
Canonisons St. Grégoire,
Comme patron des buveurs.
Mais tout beau !
Au caveau
St. Médard n’a pas d’antienne,
Lui qui pendant six semaines
Ne nous verse que de l’eau !
Ne croyez pas que j’abrège
Les jours de l’Epicurien ;
Mes amis, à ce manège,
Vraiment nous ne perdrons rien :
Car par là
On pourra
Voir aisément que l’année,
Plus promptement terminée,
Plus tôt recommencera.
Ainsi, qu’une nouvelle ère
Commence pour les plaisirs,
Et laissons l’ère vulgaire
Pour le commun des martyrs.
Gais élus
De Momus,
Mon compte est facile à suivre ;
Grâce à moi, nous pourrons vivre
Deux ou trois mille ans de plus !
f. de Courcy.
Voilà comment on écrit l’histoire !
Air du Vaudeville du dîner de garçons.
N° 1844 de la clef du Caveau.
Dans notre siècle, si brillant
D’honneur, de vertus, de mérite,
Pour nous chanter, en attendant
Qu’il nous vienne un nouveau Tacite,
De nos savants, de nos héros,
Voulant illustrer la mémoire,
La vérité, fort à propos,
Un jour inventa les journaux :
Voilà comme on écrit l’histoire !
Voulez-vous, par quelque moyen,
Avoir un sucées profitable,
Et de premier historien
Obtenir le titre honorable ?
D’un héros faites un amant,
A l’amour immolez sa gloire,
Ecrivez sans suite ni plan,
En un mot faire un roman :
Voilà comme on écrit l’histoire !
Un barbon, absent pour six mois,
A sa femme écrit : Quelle honte !
Déjà l’on m’a dit plusieurs fois
Certaine histoire sur ton compte,
- Mon cher, crois-tu de bonne foi
Une calomnie aussi noire ?
Charle est sans cesse auprès de moi,
Mais nous nous occupons de toi…
Voilà comme on écrit l’histoire !
Depuis quelque temps, à Paris,
Chaque jour sortent de nos presses
Des mémoires fort bien écrits
Par nos guerriers et nos comtesses :
Dans leurs aveux très étendus,
Et que sans doute l’on peut croire,
Ils sont tous des Ciucinnatus,
Elles sont toutes des vertus :
Voilà comme on écrit l’histoire !
Lasse de voltiger toujours,
Zoé, par un bon mariage,
A l’histoire de ses amours
Veut joindre une dernière page.
Le livre, par quelque secret,
Redevient blanc comme l’ivoire,
Et l’époux croit, comme un benêt,
En être le premier feuillet :
Voilà comme on écrit l’histoire !
D’èches traiter tous nos succès,
Rabaisser l’essor du génie,
Et se taire sur des hauts faits
Dont s’honore notre patrie :
Pour flatter un pouvoir nouveau
De fiel remplir son écritoire ;
Remonter jusque au berceau,
Voilà comme on écrit l’histoire !
A l’honneur toujours attache,
Par un courage, hélas ! trop rare,
Démasquer le vice caché
Sous la pourpre et sous la simarre ;
Marquer au front le crime heureux
Que veut absoudre la victoire ,
Et dépouiller d’habits pompeux
Tel qui ne serait rien sans eux :
Voilà comme on écrit l’histoire !
Rousseau.
Mot de Collé
Sur la mort de Voltaire.
La mort de vient détendre sa loi
Sur Voltaire, hélas ! notre unique !
Les Muses ont perdu leur roi,
Et nous rentrons en république
Carmouche.
Le stéthoscope (1)
(1) Instrument nouvellement découvert.)
l’art de connaître qui se passe dans le corps humain.
Air de ronde.
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jaloux
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
Certain cornet inventé par le diable,
Et stéthoscope app’lé par les docteurs,
Bavard maudit, curieux impitoyable,
S’ mêl’ d’écouter à la porte de’nos cœurs.
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jaloux
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
Qu’un fin docteur sache avec des aiguilles
Vous soutirez le fluide nerveux
Notre instrument sait des femm’s et des filles
Tirer l’secret, c’que’est bien plus merveilleux !
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jalou
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
Résignez-vous, bachelettes lutines
Ce traître-là vous jouera plus d’un tour ;
Vous n’pourrez plus cacher dans vos poitrines
L’moindre soupir de plaisir ou d’amour
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jaloux
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
Que, soupçonnant la vertu de sa femme,
Orgon, pour lui, craigne les accidents,
Posez l’cornet sur le corps de la dame,
Vous saurez tout comm’si vous étiez d’dans.
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jaloux
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
Barbons charmés de trouver fille tendre,
Au cœur d’la belle appliquant l’intrument,
Ecoutez bien, vous y pourrez entendre
Un bruit semblalble à celui de l’argent.
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jaloux
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
A son mari, Claire au r’tour d’un voyage,
Dit : De te r’voir qu’mon cœur avait besion,
Mais du cornet soudain faisant usage,
L’pauvre homme entend : Ah ! que n’es-tu bien loin
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jaloux
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
Pour bien connaître un député du centre,
Au stéthoscope, amis, ayons recours :
De l’honorable interrogez le ventre,
Et vous dira le but du discours.
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jaloux
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
On n’va donc plus juger l’homm’ sur la mine,
La vérité s’échapp’ra sans effort :
O stéthoscope ! admirable machine,
Tu vas, chez nous, ramener l’âge d’or !
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jaloux
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
Le faux ami n’fard’ra plus on langage,
L’fripon cess’ra d’vanter sa probité,
Le fanfaron d’exalter son courage,
Le faux dévot de parler piété.
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jaloux
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
Noble instrument, vrai fléau d’la grimace,
Puissent les grands t’avoir au sein d’la cour !
Puiss’tu, fixé sur le cœur d’l’homme en place,
L’forcer, enfin, à parler sans détour !
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jaloux
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
Pour dérouter bien des prjets sinistres,
P’tits, mettez le sur le cœur d’vos protecteurs :
Rois, placez le sur celui d’vos ministres,
D’vos conseillers, et surtout d’vos flatteurs.
Maris et garçons,
Femmes et tendrons,
Enfin nous pourrons
Lir’dans l’fond de vos âmes !
Malins et jaloux
S’en réjouissent tous ;
Messieurs et mesdames,
Prenez garde à vous !
Gentil.