Portrait
L’amour tendre, l’amour fripon,
L’amour qui rêve, ou qui badine,
Tous les amours par peloton,
Virent pour peindre Alexandrine.
L’un dessine d’un air vainqueur,
Ces yeux où lui-même il se blesse,
Et prêt à peindre leur langueur,
Il est distrait par leur finesse.
Celui-ci tâche de saisir
Ce nez, qui fait tournez les têtes,
Et qui semble ne conquérir
Qu’afin de narguer ses conquêtes
Cent fois échappe le pinceau :
Non, ce nez là, dit notre appelle,
Ne peut jamais dans mon tableau,
Avoir l’air coquin du modèle.
L’autre colorant à loisir
Cette bouche digne de flore,
Cette d’envier au zéphir
Toutes les fleurs qu’il fait éclore.
Plein du feu qui vient l’embrasser,
Ah ! dit-il, c’est trop me contraindre !
Enfant et dieu je suis baiser.
Ce qu’un mortel s’amuse à peindre.
J’étant leurs crayons imparfaits,
Nos albanes quittent l’ouvrage,
Et vont lutiner les attraits
Dont ils n’ont pu tracez l’image.
Pendant ce folâtre concours,
Arrive l’amitié fidèle,
Qui dérobe et garde pour elle
Ce qu’ont ébauché les amours.
Par M. Dorat
On trouve dans ce portrait une légèreté, une délicatesse une fraîcheur de coloris dont peu d’écrivains partagent le secret avec M. Dorat.
Conte
Une femme d’esprit (1) et d’un goût fort vanté,
Avait fait imprimer l’histoire de sa vie,
Et tirait surtout vanité
D’avoir,c’était là sa manie,
En tous ses points rendu la vérité.
Oui, lui dit un ami, sans doute on doit vous croire :
Mais n’avez-vous pas prudemment,
De plus d’une galante histoire,
Mis de côté le dénouement ?
Souvenez-en : Cela n’est-il pas juste ?
Ah ! reprit-elle en souriant,
Je ne me suis peinte qu’en buste.
Par M. le Marquis de S. Marc
(1) Madame de Staal
L’amour
Vainqueur de l’indifférence
Aimerai-je toujours
Un ingrat qui m’offense ?
Non : Courons abjurer de trop folles amours
Au temple de l’indifférence.
Ainsi parlait Eglé : Mais l’amour en secret,
D’un air satisfait et perfide,
La regarde partir, et rit de son projet
Elle vole, elle fuit le dépit qui la guide ;
Elle arrive : l’on ouvre, et le temple ennuyeux
Traversant aussitôt le froide solitude,
Quoi ! dit-elle, je fuis presque seul en ces lieux !
Accourez tous, amans ; ici l’on est heureux.
Je n’aurai plus d’inquiétude ;
Ah ! déjà je jouis de la félicité.
Elle se jette aux pieds de la divinité :
Trop heureuse déesse !
Vous savez pour Atis qu’elle fut ma tendresse ;
Vous… mais que vois-je ? Atis…ô dieux !
Eglé se fait, baille les yeux :
Achève donc, lui dit la déesse étonnée,
Pourquoi ce trouble, amante infortunée ?
L’amour est un tyran :
Je n’aurai plus d’inquiétude.
Vers peu lié à ce quel précède.
Mais contre lui je saurai te défendre ;
Tu venais demander d’oublier ton amant ?
Non je venais, reprit-elle à l’instant,
Pour vous prier de me le rendre.
Par M. de Fumars
L’idée de cette pièce est ingénieuse : le style, naturel et facile.