Épître
A une femme de théâtre,
Qui s’avise d’être vertueuse.
Eh quoi ! de l’air de moins trompeur
Je vous dis que je vous adore !
Et de la plus rougeur
Votre front naïf se colore !
Votre bouche invite au baiser ;
Je veux, sur ses lèvres de rose
En cueillir un : mais ciel on ose
On ose me le refuser !
De la gêne un amant s’offense ;
Il a toujours mille secrets
Qu’il veut dérober au secrets
Qu’il veut dérober au silence ;
Pour vous dire les miens, exprès
Je vous demande une audience ;
Vous me l’accordez, et je pense
Que sans doute on m’écoutera :
Une suivante est toujours là,
Que l’on met de la confidence.
J’enrage, enfin, de tous mes soins,
N’aurai-je jamais le salaire ?
Peut-on dévoiler un mystère
Devant d’incommodes témoins ?
Quand, fut ce théâtre que j’aime,
Je vis, plein d’une joie extrême,
Votre âme ouverte au sentiment,
Je crus, à parler franchement,
Que partout vous étiez la même ;
Qu’à force de jouer l’amour,
Parfois vous le sentiez peut-être ;
Que puisqu’on payait de retour
Hector et Crispin tour à tour,
On pouvait bien aimer leur maître.
Mais il n’est permis qu’a Crispin
De vous embrasser sur la scène,
Et quand vous êtes seule, à peine
Vous laissez-vous baiser la main.
Même il est tel drame agréable
Où vous avez plus d’un amant
Que vous aimez éperdument :
Hors de là vous n’êtes qu’aimable.
Faut-il tout vous dire ? a vous vous
Et si réservée et si sage,
Je crois que de votre boudoir
Vous ignorez encor l’usage,
N’aimer rien est un grand abus.
Allons, ne vous défendez plus
D’approuver le feu qui m’anime ;
goûtez ces plaisirs inconnus,
et de vos gothiques vertus,
ne me tendez plus de victime.
Ah ! plutôt garde ce trésor
Que chérissaient tant nos ancêtres,
Ces mœurs, vrai bien de l’âge d’or,
Dont se moquent nos petits maître.
Pousser d’inutiles soupirs,
Fut toujours loin de leur système ;
Les insensés, dans leurs désirs,
Ignorent le charme suprême ;
Qui fait respecter ce qu’on aime,
et double encore les plaisirs.
L’amour vit de crainte et d’alarmes ;
L’amour s’accroît par la rigueur ;
L’obstacle a pour lui mille charmes :
Il est heureux par les malheurs :
Je refuserais des faveurs,
Qui n’auraient point coûté de larmes.
Par M. le chevalier de Cubieres
L’esprit qui plaît
Il est bien des genres d’esprit :
Mais celui qu’à tous on préfère,
Celui qui saura toujours plaire,
C’est le votre sans contredit :
Esprit profond dans sa finesse,
Et gracieux avec justesse,
Qui se plie à tous les sujets,
Qui, comme une glace fidèle,
Fait réfléchir tous les objets,
Et qui, par les plus doux reflets,
Leur donne une beauté nouvelle.
Un esprit vif et pétillant
M’éblouit plus qu’il ne m’attire,
Et le trait qui n’est que faillant
N’est pas trop celui que j’admire.
J’aime qu’un mot sage ou brillant
Me fasse penser ou sourire ;
Or, quand vous parlez, on sourit,
On s’égaye, on pense, on s’instruit,
On vous pardonne votre empire ;
Prés de vous enfin l’on jouit,
En vous entendant toujours dire
Ce que l’on voudrait avoir dit.
Par M. de Bonnard
Sur l’amour propre
De son esprit, dit-on, chacun pense trop bien ;
C’est le commun avis : pour moi, je n’en crois rien.
Notre esprit a sa conscience ;
De sa faiblesse, on ne fait point l’aveu :
Mais on le sent ; on est juste en silence.
Sur ce point délicat, (Bien qu’on en souffre un peu)
Les plus sévères yeux sont peut-être les nôtres ;
On ne se trompe point, on veut tromper les autres.
Surprendre leur estime est un larcin permis,
Et nos duper toujours sont nos meilleurs amis.
Par M. l’abbé Porquet