Chansonnier historique du XVIIIe siècle

La régence partie IV


(J'ai gardé orthographe telle quelle)


 La mort du régent (1)


Ah ! quel transport ravit vos sens,

Et qu'avez-vous à rire ?

Est-il quelque bonheur récent

Dans notre triste empire ?

Arrêtez donc ! où courez-vous ?

Ah ! dites-moi, de grâce ! —

 

Quoi ! venez danser avec nous.

Car d'Orléans trépasse.

 

(1) Le duc d'Orléans mourut à Versailles, d'une attaque d'apoplexie, le 2 décembre 1723.

 

— D'Orléans ! vous n'y pensez pas ;

Le coup est-il possible ? —

A ceux qui doutent du trépas

Peut-il être sensible ?

Il est mort, le fait est certain,

Sans secours d'Hippocrate (1)

Il est expiré ce matin.

C'est là ce qui nous flatte.

 

Entendez-vous ce carillon

Qui dans les airs s'élance ?

C'est pour chanter le Te Deum

De la réjouissance.

Depuis Paris jusqu'à l'Euxin,

Pour chanter sa mémoire,

 

(1) « Le Régent, enfermé seul avec Mme de Falaris, une de ses complaisantes, s'amusait en attendant l'heure du travail avec le roi. Assis à côté l'un de l'autre, devant le feu, le duc d'Orléans se laissa tout à coup tomber dans les bras de la Falaris qui, le voyant sans connaissance, se lève tout effrayée, et appelle du secours, sans trouver qui que ce fût dans l'appartement. Les gens du prince, qui savaient qu'il montait toujours chez le roi par un escalier dérobé, et qu'à l'heure de ce travail il ne venait personne, s'étaient tous écartés. La Falaris fut donc obligée de courir jusque dans les cours pour amener quelqu'un. La foule fut bientôt dans l'appartement, mais il se passa encore une demi-heure avant qu'on trouvât un chirurgien. Il en arriva un enfin, et le prince fut saigné ; il était mort. Ainsi périt à quarante-neuf ans et quelques mois un des hommes les plus aimables de la société, plein d'esprit, de talents, de courage militaire, de bonté, d'humanité, et un des plus mauvais princes, c'est-à-dire des plus incapables de gouverner. » (Duclos.)

 

Chacun de sonner le tocsin

Veut avoir la victoire.

 

Deux archevêques sont mandé (1)

Bons ecclésiastiques

A qui nous avons commandé

De beaux panégyriques.

Ils l'enverront au firmament,

Ou du moins à la porte,

D'où Pierre dira poliment :

Qu'un diable vous emporte !

 

Un poète, son franc ami,

A fait son épitaphe.

Cet auteur au bas n'a point mis

Ni signe ni paraphe ;

Les mots sont pompeux et galants.

Oyez, elle est gentille :

Ci-gît Philippe d'Orléans,

Digne époux de sa fille.

 

(1) L'archevêque de Rouen, La Vergne de Tressan, premier aumônier du duc d'Orléans, en allant remettre à l'abbesse de Chelles, au Val de Grâce, le cœur de son père, déplora pompeusement la perte « de ce héros qu'on peut regarder comme le père de la patrie, le modèle des plus grands souverains et le plus parfait de tous les siècles ».

Quant à l'oraison funèbre du prince défunt, elle fut prononcée le 4 février 1724, dans l'église Saint-Denis, par l'évêque d'Angers, Michel Poncet, qui avait pris pour texte ces paroles de l'Évangile : Elevatus sum, et manus tua prœcipitat me.