Chansonnier historique du XVIIIe siècle

La régence partie III


(J'ai gardé orthographe telle quelle)

 

 La politique du régent

 

Changer tous les jours de ministre ;

Pour négociateur, un cuistre (1)

Dont la fortune fait horreur ;

Mépriser l'estime publique,

Chasser l'ami pour le flatteur, (2)

C'est du Régent la politique.

 

Ne vouloir pas de remontrance,

Mettre tout l'argent de la France

Entre les mains d'un étranger,

Et, pour un projet chimérique,

Perdre l'État, tout hasarder,

C'est du Régent la politique.

 

Les Conseils sont trop de dépense ;

Le Parlement qui s'en offense

En voudrait la suppression.

 

(1) L'abbé Dubois, ambassadeur en Angleterre. L’épithète de cuistre est fréquemment accolée à son nom.

 

(2) D'Aguesseau remplacé par dArgenson.

 

Le Régent, pour y satisfaire,

Supprime toute fonction,

Sans rien retrancher du salaire. (1)

 

D'Argenson veut qu'on enregistre

Tout au plus tôt son nouveau titre ;

Halte-là ! dit le parlement ;

Il est à propos de suspendre,

Pour juger préalablement.

S'il ne faut point le faire pendre. (2)

 

Le Régent dit : Bourbon cabale ; (3)

Il faut arrêter le scandale

 

(1) Tandis que les deux derniers couplets de la chanson appartiennent au commencement de 1718, le premier doit être reporté à la fin de l'année. C'est le 28 octobre que les Conseils furent supprimés. La plupart des conseillers réformés conservèrent leurs appointements ; certains même reçurent une augmentation.

 

(2) « Ce même homme était celui contre qui ses nombreux ennemis avaient pensé se prévaloir à la mort de Louis XIV ; qu'on accusait de malversations et de péculat ; que la Chambre de justice voulait poursuivre, et que son procureur général, M. de Fourqueux, avait dénoncé et mis au rang des plus criminels et des plus méprisables partisans. » (Vie privée de Louis XV.)

 

(3) « Alors que le duc d'Orléans fut très incommodé de la vue, jusqu'à être en danger de la perdre, est-il dit dans la Vie privée de Louis XV, les cabales de la courue firent que redoubler. Il sut qu'on avait agité de lui ôter la régence, en cas de cécité absolue, pour la confier à M. le duc de Bourbon, et que ceux qui lui avaient le plus d'obligation, tels que le chancelier, le cardinal de Noailles et son neveu, étaient les fauteurs du projet. »

 

Par un trait de subtilité.

Avant que son projet s'achève,

Cédons-lui notre autorité,

 

Pour éviter qu'il ne l'enlève.