Garneau François Xavier (1809-1966)

Chanson Québec

Partout on dit, l'oeil fixé sur les flots,

L'esquif brisé s'abîme sous l'orage.

Ô Canada ! ton nom n'a plus d'échos,

Et tes enfants chéris ont fait naufrage.

Mais non, ils ne périront pas,

Une voix tout à-coup s'écrie :

Le soleil dore au bout des mâts

Le vieux drapeau de la patrie,

De la patrie.

Canadien, tu connus cette voix ;

Le ciel pour nous, souvent l'a fait entendre :

Dans nos malheurs, hélas, combien de fois

Nous avons cru notre Ilion en cendre ?

Enfants jetés hors des berceaux,

Ou nous expose sur le Tibre,

Mais Rome sortit des roseaux...

Et Rome aussi bientôt fut libre,

Bientôt fut libre.

Mais si la nue éclipsa les cieux,

Plus d'une fois notre étoile sacrée ;

Après l'orage à son front radieux

On reconnut sa gloire à l'empyrée.

Phare qui ne s'éteint jamais,

Elle éblouit la tyrannie,

Qui droit sur l'écueil des forfaits

Ira jeter sa barque impie,

Sa barque impie.

À la tribune on vit, comme aux combats,

Toujours briller notre même courage.

Chargés de fers, menacés du trépas,

De nos tyrans nous braverions la rage.

S'il fallait pour la liberté

Sacrifier nos biens, la vie,

Et sous son drapeau redouté

Mourir pour elle et la patrie,

Et la patrie.


Gautier Théophile (1811-1872)

Pantoum

Partout on dit, l'oeil fixé sur les flots,

L'esquif brisé s'abîme sous l'orage.

Ô Canada ! ton nom n'a plus d'échos,

Et tes enfants chéris ont fait naufrage.

Mais non, ils ne périront pas,

Une voix tout à-coup s'écrie :

Le soleil dore au bout des mâts

Le vieux drapeau de la patrie,

De la patrie.

Canadien, tu connus cette voix ;

Le ciel pour nous, souvent l'a fait entendre :

Dans nos malheurs, hélas, combien de fois

Nous avons cru notre Ilion en cendre ?

Enfants jetés hors des berceaux,

Ou nous expose sur le Tibre,

Mais Rome sortit des roseaux...

Et Rome aussi bientôt fut libre,

Bientôt fut libre.

Mais si la nue éclipsa les cieux,

Plus d'une fois notre étoile sacrée ;

Après l'orage à son front radieux

On reconnut sa gloire à l'empyrée.

Phare qui ne s'éteint jamais,

Elle éblouit la tyrannie,

Qui droit sur l'écueil des forfaits

Ira jeter sa barque impie,

Sa barque impie.

À la tribune on vit, comme aux combats,

Toujours briller notre même courage.

Chargés de fers, menacés du trépas,

De nos tyrans nous braverions la rage.

S'il fallait pour la liberté

Sacrifier nos biens, la vie,

Et sous son drapeau redouté

Mourir pour elle et la patrie,

Et la patrie.


Géraldy Paul pseudonyme de Paul Lefèvre (1885-1983)

Jalousie

Je suis jaloux. Tu es là-bas, à la campagne,

et moi je suis là, tout seul, à présent !

Des parents, je sais, t'accompagnent

qui ne sont pas très amusants.

Mais je suis jaloux tout de même,

jaloux de te savoir là-bas par ce printemps...

Tout ce bleu doit te faire oublier que tu m'aimes...

Moi je pense à toi tout le temps !

J'ai l'âme ivre et comme défaite.

Je pleure d'amour et d'ennui.

Ton image est là, dans ma tête :

tu es joliment bien, petite âme, aujourd'hui !

Je suis jaloux, quoi que je fasse ou que je veuille.

Il fait tiède et doux dans Paris !

C'est adorable ! Et moi je rage et je t'écris,

à toi, à toi, petit chéri,

qui est là-bas, où sont les feuilles...

Tu dois avoir ton grand chapeau

de paille blonde et de glycines

qui met des petits ronds de soleil sur ta peau.

Tu dois bien m'oublier ! Et moi je te devine

jolie, heureuse... Il fait si beau !

Ah ! je pleurerais de colère !

Il a plu pendant tout un mois :

Il faut qu'on t'écarte de moi

quand tu m'es le plus nécessaire !

Je ne t'ai jamais tant aimée qu'en ce moment.

Cet air tiède et doux m'exaspère

qui pénètre l'appartement

Je t'en veux, je souffre, et souhaite

que là-bas tu souffres autant.

Ce n'est pas très gentil, bien sûr ! C'est un peu bête.

Mais, que veux-tu ! je t'aime tant !

Je voudrais que tu me regrettes

au point de haïr ce printemps...

Je serais même très content

s'il te faisait un peu mal à la tête.


Girardin Delphine de (1804-1855)

La nuit

Voici l'heure où tombe le voile

Qui, le jour, cache mes ennuis ;

Mon cœur à la première étoile

S'ouvre comme une fleur des nuits.

 

O nuit solitaire et profonde,

Tu sais s'il faut ajouter foi

A ces jugements que le monde

Prononce aveuglément sur moi !

 

Tu sais le secret de ma vie,

De ma courageuse gaieté ;

Tu sais que ma philosophie

N'est qu'un désespoir accepté.

 

Pour toi je redeviens moi-même ;

Plus de mensonges superflus ;

Pour toi je vis, je souffre, j'aime,

Et ma tristesse ne rit plus.

 

Plus de couronne rose et blanche !

Mon front pâle reprend son deuil,

Ma tête sans force se penche

Et laisse tomber son orgueil.

 

Mes larmes, longtemps contenues,

Coulent lentement sous mes doigts.

Comme des sources inconnues

Sous les branches mortes des bois.

 

Après un long jour de contrainte,

De folie et de vanité,

Il est doux de languir sans feinte

Et de souffrir en liberté.

 

Oh ! oui, c'est une amère joie

Que de se jeter un moment,

Comme une volontaire proie,

Dans les serres de son tourment ;

 

Que d'épuiser toutes ses larmes,

Avec le suprême sanglot ;

D'arracher, vaincue et sans armes,

Au désespoir son dernier mot !

 

Alors la douleur assouvie

Vous laisse un repos vague et doux ;

On n'appartient plus à la vie,

L'idéal s'empare de vous.

 

On nage, on plane dans l'espace,

Par l'esprit du soir emporté ;

On n'est plus qu'une ombre qui passe.

Une âme dans l'immensité.

 

L'élan de ce vol solitaire

Vous délivre comme la mort ;

On n'a plus de nom sur la terre,

On peut tout rêver sans remord.

 

D'un monde trompeur rien ne reste,

Ni chaîne, ni loi, ni douleur ;

Et l'âme, papillon céleste,

Sans crime peut choisir sa fleur.

 

Sous le joug de son imposture

On ne se sent plus opprimé,

Et l'on revient il sa nature

Comme à son pays bien-aimé.

 

O nuit ! pour moi brillante et sombre,

Je trouve tout dans ta beauté ;

Tu réunis l'étoile et l'ombre,

Le mystère et la vérité.

 

Mais déjà la brise glacée

De l'aube annonce le retour :

Adieu. ma sincère pensée ;

Il faut mentir !... voici le jour.


Gourmont Remy de (1858-1915)

Les cheveux

Simone, il y a un grand mystère

Dans la forêt de tes cheveux.

 

Tu sens le foin, tu sens la pierre

Où des bêtes se sont posées ;

Tu sens le cuir, tu sens le blé,

Quand il vient d'être vanné ;

Tu sens le bois, tu sens le pain

Qu'on apporte le matin ;

Tu sens les fleurs qui ont poussé

Le long d'un mur abandonné ;

Tu sens la ronce, tu sens le lierre

Qui a été lavé par la pluie ;

Tu sens le jonc et la fougère

Qu'on fauche à la tombée de la nuit ;

Tu sens la ronce, tu sens la mousse,

Tu sens l'herbe mourante et rousse

Qui s'égrène à l'ombre des haies ;

Tu sens l'ortie et le genêt,

Tu sens le trèfle, tu sens le lait ;

Tu sens le fenouil et l'anis ;

Tu sens les noix, tu sens les fruits

Qui sont bien mûrs et que l'on cueille ;

Tu sens le saule et le tilleul

Quand ils ont des fleurs plein les feuilles ;

Tu sens le miel, tu sens la vie

Qui se promène dans les prairies ;

Tu sens la terre et la rivière ;

Tu sens l'amour, tu sens le feu.

 

Simone, il y a un grand mystère

Dans la forêt de tes cheveux.


Grécourt Jean-Baptiste Joseph Willart de (1683-1743)

L'amour mouillé

Pendant que, la paupière close,

Lassé du travail et du bruit,

L'homme tranquillement repose

Dans le silence de la nuit,

L'Amour vint frapper à ma porte,

"  Qui heurte si tard de la sorte !

Criai-je, en sursaut réveillé.

- Hélas ! C'est un enfant mouillé,

Répond-il ; ouvrez, je vous prie.

Il pleut, mes pas sons égarés.

Ne craignez rien, de grâce, ouvrez ! "

A ce discours, l'âme attendrie,

Une lampe en main, à l'instant,

Je cours ouvrir à cet enfant.

Ses ailes, son arc et sa trousse

Me donnèrent quelque soupçon ;

Mais il avait la mine douce,

Et l'air d'un aimable garçon.

Je le fais entrer, je l'essuie,

Je prends ses mains, et, peu à peu,

Je les réchauffe auprès du feu ;

En un mot, je lui rends la vie.

Sitôt que le froid l'eut quitté,

"  Voyons, me dit-i1, si la pluie

A mon arc n'aurait rien gâté. "

Après ces mots, il se retire

Trois pas en arrière, et, soudain,

Me décoche un trait dans le sein,

Et me dit d'un air scélérat :

"  Félicite-moi, camarade,

Mon arc est en fort bon état ;

Mais je crois ton cœur bien malade.